Paul-Edouard Millet : speed riding, le plaisir de la vitesse 

Magazine Activités Paul-Edouard Millet : speed riding, le plaisir de la vitesse 

Vous avez toujours voulu planer sur les pentes comme un oiseau ? Alors le speed riding est fait pour vous ! Ce sport exaltant combine le ski et le parapente, vous permettant de dévaler les montagnes à grande vitesse tout en profitant de superbes vues panoramiques. Le speed riding est un sport relativement nouveau, mais il gagne rapidement en popularité parmi les skieurs expérimentés, les parapentistes et les amateurs de sensations fortes. Si vous cherchez une façon exaltante de dévaler les pistes, alors le speed riding est fait pour vous.

Le sport s’est développé il y a 20 ans à Valfréjus, en Maurienne. Dans cette petite station de ski, un petit crew de riders avait voulu rider avec des petites voiles et découvrir d’autres sensations. Le speed riding s’est développé petit à petit, ainsi que le matériel, en fonction de l’évolution de la pratique. Aujourd’hui, les voiles sont petites, légères, et permettent de se déplacer très vite.

En dehors de Valfrejus, il existe plusieurs autres stations de ski en France où vous pouvez vous initier ou vous perfectionner au speed riding. Vous pouvez decouvrir le speedriding a Val d’Isere, sur les pentes douces du Mont Dore, a Méribel, aux Diablerets en Suisse, et, bien sur dans le massif du Mont Blanc, dans les deux destinations qui permettent de dévaler autant de kilomètres verticaux que vous êtes capable de faire. Nous parlons de Courmayeur en Italie et de Chamonix, en France, où réside notre invité d’aujourd’hui.  

Paul Millet est l’un des speed riders bien connus de Chamonix, que l’on retrouve constamment les jours de beau temps sur la verticale, entre l’Aiguille du Midi et les spots d’atterrissage de la vallée, accumulant des km, à des vitesses supérieures à 100km/h. Lors d’une bonne journée, il peut parcourir jusqu’à 28.800 m verticaux  – soit 10 descentes. Il a chaussé ses skis pour la première fois à l’âge de deux ans, a fait du ski alpin jusqu’à l’adolescence, quand il est passé au freeride et au ski de pente raide. Depuis quatre ans, il a découvert le speed riding tout seul (ne faites pas ça à la maison !). Ces jours-ci, avec ses amis, il prend un grand plaisir à nettoyer les faces de la montagne des accumulations de neige et des avalanches potentielles. 

Nous nous sommes assis avec Paul, par une journée ensoleillée, dans son jardin face à l’Aiguille du Midi et lui avons demandé pourquoi le speed riding est si cool , où ce sport l’a porté et comment lui et ses amis gèrent les risques. 

C’est quoi le speed riding?

Le speed riding c’est du ski avec une petite voile de parapente. En fait, c’est te permettre de skier avec cette voile et puis de pouvoir s’envoler dès qu’on le souhaite ou arriver sur des obstacles, des falaises, et hop, décoller.

Pourquoi fais-tu du speed riding?

Le speed riding me permet de découvrir d’autres sensations que le ski. Dans ce melange entre le ski et le parapente, les sensations vont assez vite. C’est un peu l’aboutissement pour quelqu’un qui skie beaucoup, qui fait du ski de pente raide et du freeride à grande vitesse. Je fais du speed parce que ça permet d’aller dans des endroits vraiment où tu ne peux pas y aller d’habitude à ski. Par exemple dans la face Nord de l’Aiguille du Midi, sur les séracs, où d’habitude ne mets pas les spatules.

Paul Edouard – Millet : speed riding, le plaisir de la vitesse
©️ Paul (Papy) Millet | Aiguille du Midi

Comment tu prépares une sortie en speed riding ?

Alors une sortie, on la prepare surtout par rapport aux conditions météo. La visibilité, ça c’est la première chose. Il faut que le vent au mieux soit de face, et quand même assez faible. Tu auras dix, quinze kilomètres a l’heure de face et du beau temps calme.

Après, les conditions de neige. C’est plus agréable quand on a de la neige fraîche que la neige dure. On peut aller dans plein de terrains différents. Moi, je vais directement dans la haute montagne, mais on peut pratiquer en Auvergne, dans la station de ski Mont Dore, dans des petites stations, ou il y a des pentes douces, pas de gros dénivelés.  

Speed riding vs. speed flying : quelle est la différence ?

Alors ce qui est différent, c’est que pour le speed riding, on a les skis aux pieds et on cherche le contact ski – neige. Alors que le speed flying, c’est sans les skis. C’est vraiment plus du vol et vol de proximité, plus ou moins près du sol. Le sportif joue avec le relief.. sans skis aux pieds. C’est vraiment ça la différence. Une fois qu’on met les skis aux pieds, c’est du speed riding. 

A-t-on besoin d’un certain type de ski pour faire du speed riding ?

Non, il n’y a pas de skis spéciaux pour le speed riding… Alors après, pour bien skier, autant avoir de bons ski de freeride assez larges qui permettent d’absorber bien le relief et les différents changements de neige. Et après, il y a beaucoup de gens qui volent avec des skis pas terrible au final, qui font du speed ride mais qui font deux ou trois virages et s’envolent. C’est difficile quand même de tenir le contact ski neige tout le long d’un run.

Tu as une certaine marque de ski que tu préfères ?

J’utilise les skis Salomon,  car je suis ambassadeur de la marque. Ils vont super bien, il y a des largeurs différentes pour tout les niveaux et toutes les pratiques. C’est des skis très agréables à skier.

J’utilise le 112 de chez Salomon. Un ski polyvalent dans toutes les neiges, autant dans la poudreuse que la neige un peu plus dure. C’est un ski assez long et large. 

Comment débuter en speed riding ? Est-ce qu’on a besoin d’une licence ? 

Non. Tout ce qui est aérien, parapente, c’est libre en France. On a pas besoin d’avoir une licence. Après, c’est bien d’avoir une assurance pas nécessairement pour soi, mais si tu provoques par exemple un atterrissage, tu tapes quelqu’un ou on ne sait pas… Tout peut arriver. Tu atterris sur une voiture, c’est quand même bien d’avoir une assurance pour pouvoir dédommager les autres.

Paul Edouard – Millet : speed riding, le plaisir de la vitesse
©️ Paul (Papy) Millet | Archive personelle

Quel est le niveau nécessaire en ski / parapente pour faire confortablement la transition vers le speed riding ?

En speed riding, tout se passe hors piste, parce que le sport est interdit sur les pistes de ski. Alors il faut être un bon skieur hors piste. Mais il y a beaucoup de gens dans le speed riding qui viennent du parapente, donc au final ils savent déjà voler ou c’est pas toujours des super grands skieurs. Ceux qui viennent du milieu du ski passent par le parapente avant, pour avoir des notions aériennes.

Moi je ne suis pas passé par le parapente, j’ai attaqué directement avec une petite voile. Pour faire du speed riding il faut accepter la vitesse, il ne faut pas paniquer, il ne faut pas faire de mouvement brusque et rester assez zen. C’est comme piloter une voiture de course.

Il faut vraiment commencer par des pentes douces, des pentes école. J’ai commencé aux Grands Montets avant que le sommet et toute la ligne brûlent. Là-haut, c’était un terrain de haute montagne déjà, mais pas très raide, super vaste, très large, pas de gros dangers potentiels, avec un atterrissage pareil, sur le glacier d’Argentière. Donc beaucoup, beaucoup de place.

Il y a de plus en plus d’écoles qui proposent de s’initier au speed riding. Et c’est intéressant de faire ça avec un professionnel au début, ou avec un ami, des amis qui se connaissent très, très bien.

Quel est le matériel de base d’un speed rider ?

Alors côté matériel, on a besoin de tout ce que tout ce qu’il nous faut pour le ski hors piste. Le DVA sur soi, une pelle, une sonde, crampons, piolet, une broche à glace au système, on a toujours un petit sac à dos, on a notre sellette. C’est la haute montagne, on ne sait jamais, parce qu’en skiant tout peut arriver. On peut rester planté au milieu d’un sérac et la, on se retrouve en difficulté. Je recommande tout l’ensemble du hors piste pour la sécurité.

Côté sécurité, règles de vol, à quoi faire attention ?

Il faut faire attention aux lignes électriques. Si vous ridez dans une station près d’un téléphérique, il faut faire attention aux câbles, aux obstacles, à tout ce qui est rochers, cuvettes, crevasses… Il faut avoir vraiment une connaissance du milieu et des reliefs, régulièrement être là-haut et pratiquer.

Ou pratiquer le speed riding pendant l’hiver ?

Alors bien généralement, c’est sur les domaines skiables, en zones hors piste. Le mieux est de s’informer. Il y a des stations vraiment qui sont adaptées au speed riding comme Valfréjus. Il y a pas mal d’écoles là bas, en plus pour s’initier le domaine et le spot est vraiment cool. C’est de la pente douce et assez court. Il y a aussi Val d’Isère, La Clusaz, Le Grand Bornand… Le mieux est de se renseigner auprès de chaque station. Généralement il y a des zones autorisées pour le speed.

Et pendant l’été ?

Je fais du speed riding jusqu’à fin juin en haute montagne, sur l’Aiguille du Midi et au Mont Blanc du Tacul. Puis, en juillet et aout le vol est interdit du côté du Mont Blanc pour laisser la place aux hélicoptères, aux secours en montagne, aux ravitaillements des refuges. Dans les Alpes, dans la plupart des stations, pendant l’été les glaciers ferment. Comme cette année avec la sécheresse, le manque de neige… Du coup, pendant l’été c’est du speed fly. Si on veut faire du speed riding a cette saison, il faut aller en Amérique du Sud. J’ai été en 2008 en Argentine, en Chili, mais je ne pratiquais pas encore le speed. Je faisais du freeride. On a fait beaucoup de stations de ski, de la Cordillère des Andes, de Santiago du Chili jusqu’à Ushuaïa en passant par Patagonie. Cela peut être un terrain de jeu intéressant pour le speed riding. 

Tu as un souvenir préféré, lié au speed riding ?

J’ai fait du speed riding au Pakistan, je suis parti là bas faire un voyage humanitaire. Avec une association Zom Connection où on emmène du matériel de montagne ski alpinisme aux pakistanais pour leur faire des cours, pour les emmener à développer le ski, la pratique de la haute montagne chez eux. Donc du coup, on est parti avec tout ce matériel qu’on a distribué là bas. Ensuite, on leur a donne des cours de ski, des cours de sécurité par exemple. On a ramené des DVA’s, on leur a appris à faire de la rando à ski. A cette occasion, j’ai pratiqué un peu le speed riding et c’est assez impressionnant quand même de le faire là bas parce que tu ne connais vraiment pas le lieu. C’était une grosse ambiance, surtout, l’atterrissage était tres émouvant. Tu as tous les gens du village qui viennent te voir, les gamins autour de toi, tu arrives avec les skis à poser au milieu du champ du village et ils te prennent pour un extra terrestre.

T’as eu des mentors ou des amis, qui t’ont aidé à évoluer ?

Personne ne m’a vraiment mobilisé. J’ai découvert la haute montagne tout seul, a seize ans. J’ai été souvent dans la montagne par mon instinct. J’aime bien la savourer seul, ca ne fait pas peur. J’ai un super bon feeling avec le toucher de neige, la montagne, les conditions, le repérage et aussi le fait d’habiter a Chamonix, m’aide. Voir les conditions au fur et à mesure de l’année, de la saison. Le speed riding, je l’ai appris vraiment avec des amis. En mode pirate on va dire.

Le speed riding et les sports en haute montagne sont des activités accidentogènes. Comment tu gères le risque ?

Il est vrai, j’ai vu beaucoup d’accidents en montagne. Des avalanches, des chutes pendant l’été, en escalade. Mais je n’ai jamais eu à contacter les secours pour moi. Avec toute mon équipe, un peu de fou furieux qu’on est, nous savons gérer le risque et nous adapter aux conditions. 

Que fait la différence dans votre groupe ? La chance, connaissance du terrain ?

Grace a la connaissance du terrain, désormais on prend moins de risque. La montagne se casse la gueule. Les potes guides font moins de choses engagées en montagne qu’avant. L’hiver aussi, il y a peut-être un peu moins de neige, donc moins d’accidents qu’à l’époque. Puis l’évolution aussi du matériel. Ca a changé aussi. Par example les skis. Je pense que déjà la taille, le ski, tu vois les skis larges qui sont apparus finalement il y a pas si longtemps, il y a une vingtaine d’années. Avant les skis faisaient deux mètres de long,  avec cinq centimètres de large. De nos jours, les gens skient quand même plus vite, le freeride s’est vraiment développé. Avant, c’était vraiment une élite et maintenant voilà le mec qui sait un peu skier, qui descend une noire, peut prendre des skis larges et aller hors piste de ski. Donc au final, il y a peut être plus de monde hors piste, mais c’est pas pour ça qu’il y a plus d’accidents. Il y a plus de matériel de sécurité, les gens, quand c’est dangereux ils n’y vont pas, ils ont quand même une conscience, ne sont pas débiles, et font attention. Et il y en a pas mal qui prennent aussi des guides, avant les gens allaient peut être plus seuls, je ne sais pas. Mais au final, la montagne reste dangereuse, et il faut savoir y aller au bon moment.

Le speed riding est une pratique individuelle ? Cela aide si tu vas avec des copains ?

Oui, c’est sûr, mais en l’air tu est seul. Apres, c’est bien de le pratiquer avec des amis ou des gens qui savent bien le faire. A un certain niveau il faut faire attention parce que l’effet de groupe est dangereux. Tu sais, quand tu commences, même sur les skis, t’as les trajectoires. Tu peux te faire percuter par un autre, tu ne sais jamais en fait ce que l’autre va faire. Quand tu skie, quand tu es en speed riding, soit en l’air ou sur les skis, tu ne sais jamais ce que l’autre va faire.Ca peut aller très vite. Les autres ne volent jamais pareil que toi et chacun a ses idées et sa manière de faire. Tu ne sais pas ce qui peut se passer, avec un changement de direction qui peut être fatal. Il faut se poser des limites, comment démarrer, garder un peu de distance entre chacun. Se dire, tiens on va faire cette ligne comme ça, je vais skier à cet endroit là, je fais ca après chaque vol, sur la falaise ou sur le sérac,  je vais à gauche/ a droite, je repose là et c’est bien d’avoir son plan de vol avant de le faire partager à tes potes et de se concerter. Pour l’atterrissage il est bien de garder la distance entre chacun, car si on arrive tous en même temps sur un atterrissage un peu restreint, ça peut être chaud.

C’est mieux d’aller tout seul ?

Non, c’est bien deux ou trois, s’il t’arrive quelque chose, les autres peuvent prévenir les secours. 

Dis moi un peu sur le plan mental, comment ça se passe ? Tu as dit qu’il faut être calme.

Être calme, il faut savoir accepter la vitesse. T’es focus sur ta ligne. C’est comme quand tu conduis vite à 50 km à l’heure, sur une route, tu vas regarder la montagne, mais quand tu roules à 180, tu vas être concentré sur ta direction. 

Paul Edouard – Millet : speed riding, le plaisir de la vitesse
©️ Paul (Papy) Millet | Archive personelle

Et c’est ça ton plaisir.

Ouais, ta vision est fixée, et c’est un moment bref, car tu descends rapidement. Le temps est court, tu es comme dans un jeu vidéo. T’es focus sur ta vision, sur ce qui arrive face à toi, et tu anticipes tout. Déjà tu vois au loin, t’arrives à savoir ce que tu vas faire. Quand tu voles dans l’air, tu regardes en l’air. Mais si t’es près du relief ou sur les skis avec la voile, tu te focus sur ce que tu fais. Et c’est pour ça que voler en groupe, peut être dangereux. Parce que tu es tellement focus sur ce que tu fais que tu ne vois pas s’il y a quelqu’un qui va arriver par ta droite ou gauche. Tu ne vas pas t’en rendre compte. J’ai vécu un moment dangereux, avec un pote, au Planpraz. On s’est vu au dernier moment. J’ai changé de direction, il a rtiré vers la gauche, moi j’ai tiré vers à droite et on est passé a la limite de se percuter.

Parfois, le soir ça m’arrive de repenser a ma journée…si j’ai skie sur le séracs, sur Frendo, là, au milieu de la face Nord de l’Aiguille, il est difficile de skier tout le long du serac, il faut etre solide sur ses skis et tenir sa voile au dessus de soi.

Je pense que j’étais à ski la, qu’il ne faut vraiment pas choper un bout de glace au croiser les skis… Après, quand tu pratiques à ce niveau là, pente raide, les fixations des skis sont bien serrés a plus de 130. 

Moi après, aussi je suis quelqu’un qui aime l’adrénaline et les gros deniveles. J’aime la rentabilité des runs, comme faire dix faces nord, de l’Aiguille du Midi jusqu’à Chamonix. Ce qui représente 28 800 mètres de dénivelé à la journée. Je veux te dire. J’ai toujours été comme ça, à faire les choses au maximum.

Suivez Paul-Edouard Millet et ses aventures en montagne sur  Instagram ou YouTube.

Interview par Anca Berlo

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